Une année avec ...
Une année avec Irène Bonacina : journal d'une résidence
La médiathèque accueillera à partir de janvier 2020 Irène Bonacina en résidence d’écrivain autour de son projet d’écriture et d’illustration : "caché/révélé".
Formée à l’école Estienne, aux Arts Décoratifs de Strasbourg et aux Beaux-Arts de Bratislava, Irène Bonacina est auteure-illustratrice pour la littérature jeunesse. De sa plume et de son pinceau naissent des personnages drôles et émouvants, des paysages oniriques ou des décors foisonnant de détails.
Pendant toute l’année, elle fera de la médiathèque son point d’ancrage et associera les habitants de Malakoff à ses explorations graphiques et littéraires.
Au programme : des rencontres avec des auteurs dont Irène admire le travail, des ateliers avec des enfants de la ville, des collaborations artistiques avec les musiciens du conservatoire et les étudiants en cinéma de l’EMC, un compagnonnage auprès des bricoleurs, artisans et artistes de la Tréso, des expositions…

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: Une année avec Irène Bonacina : journal d'une résidence à Malakoff.
Action financée par la Région Île-de-France dans le cadre du programme de résidences d’écrivains.
présentation en vidéo
Puzzle Temps
Impressions d’une résidence suspendue
Une fois qu’il a été enclenché et nourri, un processus de création ne s’arrête pas vraiment. Même en hibernation, les intentions évoluent dans les profondeurs silencieuses.
Cette période étrange semble propice à une plongée en soi-même, nécessaire à l’écriture.
Sauf que le confinement implique la fermeture des écoles et quand on est jeune parent, comme moi, comme beaucoup, les choses se compliquent.
Mon temps de travail a rétréci comme une peau de chagrin.
C’est devenu un puzzle quotidien : je glane ici et là des quarts d’heure et demi-heures, tente de les assembler en une heure, puis deux, éventuellement trois.
Dans cet espace-temps morcelé, le plus délicat est de ne pas perdre de vue une direction plus globale, un horizon.
Ma résidence d’auteure à la médiathèque Pablo-Neruda de Malakoff s’est déroulée sur deux mois avant que ne ferment tous les établissements. De mi-janvier à mi-mars donc, un premier chapitre heureux et tellement enthousiasmant. Puis ce temps mort imposé à tous. La frustration, et une légère amertume. L’impression d’être coupée dans un bel élan commun.
Pourtant, j’éprouve un sentiment de cohérence tout à fait inattendue lorsque je parcours mon carnet de recherche de ces deux premiers mois de résidence.
Le thème que j’explorais s’intitule caché-révélé.
Sur les pages, je redécouvre une succession de formes fugitives :
Astres
Éclipses
Lumière voilée, découpée
Traces invisibles et décousues
Puzzle d’empreintes, de pointillés, de filigranes
Lueurs
Et même, une clef – à peine lisible, insaisissable.
Autant d’"images fantômes" qui font échos à ce que je vis en ces temps de flottement et d’incertitude. Je suis surprise de cette relation entre ma recherche artistique et les contraintes qui semblent l’empêcher. C’est une découverte réconfortante et stimulante.
Aussi, je crois en la maturation souterraine. Cette pensée m’apaise : une fois qu’il a été enclenché et nourri, un processus de création ne s’arrête pas vraiment. Même en hibernation, les intentions évoluent dans les profondeurs silencieuses. Elles quittent le mental, redescendent, et même, cela leur fait du bien. On est souvent surpris de ce qui apparaît après une période de jachère.
Je fais davantage confiance aux petites choses, aux petits efforts, « aux petits cailloux » qui tracent discrètement et sans prétention, un chemin. Encore une fois, ces temps-ci, je me blottis dans mes carnets et y inscris à la volée les petites avancées de ma pensée.
Nous vivons une sorte de printemps hivernal totalement inédit. Ce changement d’habitudes et de repères aiguise de nouveaux désirs et la perception de priorités nouvelles. On attend le nouvel élan.
Avec l’équipe de la médiathèque Pablo-Neruda, nous avons décidé de reporter ma résidence à la prochaine rentrée scolaire.
En septembre, nous nous remettrons en route ensemble, motivées, jusqu’à fin mars 2021.
Nous serons pleines de questions : à quoi ressemblera l’école en septembre ? Quelles seront les conditions de rassemblement ?
Il faudra inventer, rebondir, et peut-être faire le deuil de la résidence que je m’étais imaginée avant le confinement. Je me rassure en me disant que tous les ingrédients essentiels sont réunis.
Et même, j’ai entre les mains ce grain de sel inattendu, cette question à creuser absolument : quel dialogue peut naître, pour moi, pour les enfants, entre l’expérience du confinement et la poésie du caché-révélé ?
Caché-Révélé
Cache-cache
Transparence et cache-cache sont complémentaires. Ce dernier est un jeu enfantin, mais ne se limite pas à l’enfance. Pour naître, il faut sortir de sa cachette. Le petit enfant joue à "Coucou-caché!" : d’instinct, il apprend que les choses continuent d’exister même quand il ne les voit pas. Invisibles mais toujours présentes. Plus tard, les longues parties de cache-cache éveillent chez l’enfant un éventail d’émotions : la jubilation d’inventer sa cachette, le frisson de se risquer dans les recoins inconnus, la crainte d’être découvert, l’excitation de partir à la recherche de l’autre.
Puis il y a l’adolescence : l’âge d’or du camouflage et en même temps, d’une certaine impudeur. De nos jours, cette ambivalence a pour terrain d’expression les réseaux sociaux : se montrer et être vu, mais aussi, paradoxalement, se fondre dans le groupe auquel on souhaite appartenir. Ou bien se faire passer pour moins fragile que ce que l’on est, à la manière de certains animaux inoffensifs qui imitent une espèce dangereuse pour tromper le prédateur. Se donner à voir, tout en dissimulant ce que l’on est intimement.
Ce cache-cache à la fois intime et social se poursuit à l’âge adulte. C’est pour moi une question captivante. Il est difficile de se donner, difficile de savoir qui l’on est ; on séduit, on dupe et l’on se dupe – c’est parfois soi-même que l’on trompe en premier.
Ce grand jeu d’artifices mouvant et subtil colore d’ombres et de lumières notre relation à l’autre et à nous-mêmes. En cela, le cache-cache est à la fois joyeux, grave, enfantin et ingénieux, primitif et complexe, profondément ambigu, universel.
Révéler
Pourquoi glisser de cache-cache à caché-révélé ? En premier lieu, afin de dessiner un peu plus les contours d’un trop vaste sujet. Trouver une porte d’entrée plus singulière, qui soit mienne. J’aime l’association de ces deux mots caché et révélé : la redondance de cache-cache induit un circuit fermé tandis que le terme révélé dessine un pont avec la transparence. Apparaître, disparaître, transparaître. Je me retrouve sur un terrain à la fois familier et inexploré.
Le mouvement caché-révélé est à l’image du processus de création. Au commencement d’un projet, je sonde mes sentiments profonds qui, par essence, évoluent dans l’ombre et le flou. J’essaye de les comprendre, d’y voir clair. Puis je cherche comment les faire apparaître sous une forme intelligible qui puisse être partagée par tous. "Se révéler : Être manifesté. Faire connaître ce qu’on est intimement."
Irène Bonacina, juin 2019
Nuit de la lecture
Vous avez pu entendre lors de la
lecture musicale dessinée du 18 janvier :
La petite fille sage de Francis Poulenc par l'ensemble vocal Calypso
La règle d'or du cache-cache de Christophe Honoré
Pagan piper de Christopher Ball par Elise à la flûte à bec
Le prince des profondeurs de Peter Godfrey-Smith
Prélude extrait de la 5e suite de Jean-Sebastien Bach par Mélissa au marimba
Objets perdus de Roland Dubillard
Courante ext. de la 2e suite de Jean-Sebastien Bach par Mélissa au marimba
Le masque de Stéphane Servant
Monsieur de Thomas Fersen par Camillle à la guitare et Karine et Muriel au chant
Dis, quand reviendras-tu ? de Barbara par l'ensemble vocal Calypso
Rencontres du mercredi
Première séance de nombreuses à venir, pour le petit groupe d'enfants du centre de loisirs de l'Aquarium. Avec Cécile, leur animatrice, ils ont découvert les livres d'Irène Bonacina et se sont mis à sa place imaginant les personnages de Cinq minutes et des sablés, un texte de Stéphane Servant qu'Irène a illustré.
Une semaine avec ...
Adrien Parlange se prête au jeu des questions-réponses d'Irène Bonacina.
Une série de rendez-vous pour découvrir l’univers d’Adrien Parlange.
Ateliers
Retour sur l'atelier du mardi 11 février
Après un petit temps de présentation d’Irène et de certains de ses livres, Irène a abordé le thème de sa résidence avec les enfants : Caché/révélé.
Elle leur a ensuite exposé l’idée de l’atelier : cacher des personnages dessinés par leur soin dans un paysage réel, à la façon de trompe-l’œil.
La première idée était de dessiner et découper des personnages dans du calque, de les positionner sur les fenêtres et de trouver l’angle d’observation (ou de prise de vue) pour donner l’impression que le personnage se trouvait … sur le tronc d’un arbre, sur une liane, sur le balcon de l’immeuble d’en face ou dans le ciel !...
Finalement, il apparait qu’il est difficile de trouver le bon angle et il faut fabriquer des animaux assez petits pour faciliter le positionnement…
Une seconde idée émerge. Et si nous cachions des personnages dans des livres pour surprendre les lecteurs !
Décision est prise de faire des dessins sur de calques avec du fusain. Découverte de ce drôle de « crayon », de sa compagne la gomme mie de pain, et de sa façon de réagir sur du calque.
Les enfants réfléchissent ensuite à un message à faire figurer sur leur dessin pour qu’ils n’aient pas l’air d’être un marque page oublié dans le livre.
Certains se lancent directement dans un dessin, d’autres cherchent d’abord le livre dans lequel ils veulent cacher leur illustration et leur œuvre a un rapport avec le livre qui l’accueillera !
Ils sont cachés, les trouverez-vous ?
Certains enfants ont préféré afficher leurs œuvres sur les fenêtres de la médiathèque. Venez les découvrir !
Photos Séverine Fernandes pour la Ville de Malakoff.